#MercrediFiction #3.17

Emma tenait la petite carte dans ses mains. Aucun nom, seulement une adresse. Celle du vieil amphithéâtre à côté de la piazza Sant’Oronzo. Comment pouvait-elle le contacter ?

Elle passe la soirée tranquille avec Enzo et Jules, toujours la petite carte dans les mains. Les garçons vont se coucher… Emma fait de même.
Elle n’arrive pas s’endormir malgré les ronrons de son gros chat. Elle se relève et se dirige vers l’adresse indiquée sur la carte. L’homme était là. Il attendait. Il l’attendait.

– Comment ?
– Tu ne sais toujours pas qui je suis ?
– Non…
– Mais tu m’as déjà vu non ?
– Oui mais je ne sais pas où…
– Tu fais souvent ce rêve aussi non ? C’est là que je t’y es vue.
– Je… mais oui ce rêve !

Emma se souvient alors de ce rêve. Ce rêve où elle est avec lui…

– Tu n’es pas Italien… Jérôme ?
– Tu t’en souviens donc…
– Comment ça peut être possible ?
– L’inconscient est souvent bien plus fort que tout.
– Mais sans te connaître, sans…
– Il y a un temps pour chaque chose Emma… et chaque chose en son temps.

Emma ne l’avait pas vu que dans un rêve. Elle l’avait aussi vu dans ses cauchemars. Il arrive et l’apaise. Les monstres s’en vont et font place à autre chose. Une sensation qu’elle ne connaît que dans ces rêves-là. Elle ne le connaissait pas, mais il était là… il a grandi avec elle… et elle a grandi avec lui.

– Je ne suis pas un ennemi et comme toi je veux simplement comprendre. Pourquoi tu étais là. Ces rêves étaient partagés…
– Mais on ne se connaît pas, on ne s’est pas vu avant aujourd’hui et… je ne comprends pas.
– On va découvrir ça ensemble. Tes cauchemars ne se calment jamais ?
– Rarement…
– J’ai vu… mais quand je suis dedans ils s’apaisent.
– Oui tu chasses les monstres.
– Je ne fais rien… mais peut-être que ça veut simplement dire qu’ensemble on est plus fort et on peut combattre ce qui te fait du mal ?
– Personne n’a jamais réussi.
– On peut essayer ?
– Je n’ai rien à perdre.
– Viens.

Emma suit cet inconnu pas si inconnu que ça… il l’emmène dans un appartement assez spacieux, pas très loin de la place. Il vit visiblement seul mais il y a deux chambres. Il dort dans la plus petite.

– Pourquoi tu as pris la plus petite chambre ?
– Parce que la plus grande a une salle de bain à part… je me suis dit que tu y serais plus à l’aise. Je… je ressens ce que tu ressens. La foule, les gens… ça t’oppresse. Je le sais. Et comme… enfin voilà je suis un inconnu pour toi, je me suis dit que…
– Comment tu savais que je serai là ce soir ? Et ici ?
– J’en savais rien… Je t’ai croisée dans le train… je t’ai immédiatement reconnue. Le plus difficile a été d’expliquer ça à mon épouse.
– Ah… elle sait pas ?
– Et toi tes amis le savent ?
– Non.
– Voilà.
– Elle dit rien ?
– Elle est partie… Elle… je n’ai jamais réussi à lui parler. Finalement tu en sais plus sur moi qu’elle. Elle a eu du mal à l’accepter.
– Mais je ne suis rien moi, pourquoi partir ?
– Parce que… tu n’as jamais remarqué à quel point il est difficile de s’ouvrir avec des gens qui ne comprennent pas les choses et ne veulent pas les comprendre ? Ils préfèrent se moquer et dire que tu es folle plutôt que de comprendre ce que tu ressens.
– Ils préfèrent la simplicité, la facilité.
– Exactement.
– Je n’ai pas compris qui tu étais dans ce train…
– Je t’ai cherché tellement longtemps…
– Je… Je vais devoir y aller… ils vont s’inquiéter. Et…
– Tu peux pas dormir sans ton chat je sais. Je te raccompagne.

Emma et Jérôme parcourent la ville. Elle se sent bien, ne pense à rien… Comme si tout disparaissait. Ils marchent silencieusement, des sourires se dessinent sur les visages. Elle se demandait pourquoi ici, pourquoi maintenant, pourquoi elle, pourquoi lui… Il n’y a sûrement pas de hasard. Il était peut-être son ange gardien ?

– Ou peut-être que tu es le mien ?
– Je… quoi ?
– Tu te demandais quelque chose non ?
– Oui… Si tu n’étais pas mon ange gardien.
– Et si tu étais le mien ?
– Je… non… non moi je suis rien.

Il s’arrête, lui prend le bras.

– Emma…
– Oui, je sais.
– J’apparais dans tes cauchemars comme tu apparais dans mes rêves…
– Mais tu viens dans les miens… tu chasses les vilaines choses qui s’y trouvent…
– Et si c’était moi qui ramenais ces choses ?
– Elles sont là même quand tu n’es pas là…
– Ou peut-être que j’y suis mais que je pars…
– Ou peut-être que tu viens juste parce que je te fais venir ?
– Faut qu’on trouve pourquoi cette connexion existe entre nous et comment elle se fait.
– Oui… tu veux faire le cobaye dans un hôpital ? Devenir une bête de foire ?
– Non. Mais je pense que ton ami Enzo peut nous aider à comprendre ça.
– Comment ?
– Ah tu sais pas ? Tu lui demanderas sur quoi il a fait sa thèse…
– Il a…
– Oui… le sommeil, les rêves et comment pour certaines personnes ils sont plus réels que pour d’autres.
– Donc…
– Oui indirectement et sûrement inconsciemment tu es un bon sujet d’étude pour lui… et moi aussi.

Ils se remettent à marcher jusqu’à arriver à l’appartement d’Emma. Elle lui propose de monter. Il hésite. Elle ne veut pas vraiment le laisser repartir, il est tard, il a été gentil de la raccompagner pour qu’elle puisse dormir avec son chat… et l’appartement est suffisamment grand pour avoir une personne de plus pour une nuit.

– Fais pas ton relou, c’est bon viens.
– T’es chiante.
– Je ne suis pas chiante. Tu ne sais juste pas m’apprécier à ma juste valeur.

Il rit. Elle sourit. Il rentre.

– Tu veux un sac de couchage ou on reste chacun de son côté du lit ?
– Comme tu le sens
– Bah le lit est assez grand pour toi, Mallow et moi…
– OK.

Ils s’allongent, Emma reste bien de son côté du lit bien qu’elle aurait aimé un câlin amical. Il le sait, il le sent mais n’ose pas… Mallow vient dans les bras d’Emma. Jérôme se rapproche pour caresser la boule de poils. Emma se rapproche de lui. Il la serre contre lui tout en caressant Mallow qui ronronne déjà. Ils s’endorment paisiblement.

Le lendemain matin, Enzo entre dans la chambre d’Emma, surpris qu’il y ait un inconnu dans son lit. Encore plus surpris de voir que c’est l’homme au chapeau de la veille. Il sort. Il ne comprend pas ce qu’il fait là. Pourquoi il est revenu ? Surtout en pleine nuit ? Est-ce qu’Emma sait qu’il est là ? Sûrement que oui… Couchent-ils ensemble ? Il se rend compte qu’à cette idée il ne ressent aucune jalousie… Il ne doit finalement pas être amoureux d’elle, peut-être se sent-il juste proche ? Peut-être a-t-il juste envie de la protéger ?

Emma se réveille lentement alors que Mallow commence à gigoter et ronronner. Elle se retourne et regarde Jérôme dormir. Il ouvre un œil.

– Bonjour toi.
– Bonjour monsieur…
– Bien dormi cette nuit ?
– Pas de cauchemars oui…
– Moi non plus mais mes rêves étaient…
– Agréables ? Les miens aussi.

Ils savaient qu’ils en avaient rêvé tous les deux… même s’ils n’osaient pas l’avouer. Ils entendent du bruit dans la cuisine. Ils se lèvent.

– Bonjour… Je te présente Jérôme…
– Bonjour… il est arrivé quand ? Il est bien parti hier rassure moi…
– Oui mais en fait… J’ai été à la place hier soir…
– Seule ? Putain Emma…
– C’est bon… je suis ici et vivante.

Elle raconte à Enzo ce qu’il s’est passé. Enzo semble intéressé pour faire les tests nécessaires afin de comprendre cette connexion. C’était plus facile qu’elle ne le pensait finalement. Être un sujet d’étude ça a du bon finalement…

Jules se réveille… Emma recommence l’histoire.

– C’est lui l’homme de tes rêves ?
– Je n’en ai pas la prétention voyons !
– Rhhha oui tu as compris !
– Bah oui c’est lui que je voyais dans mes cauchemars et rêves et dont je t’ai parlé.

Elle lui en avait parlé il y a longtemps… elle était encore petite fille la première fois que c’est arrivé. Et c’était un petit garçon…

Finalement rien n’arrive par hasard. Dans la vraie vie comme dans les rêves, l’inconscient reste puissant même si on ne le comprend pas forcément.

Partager l'article
hackorn
https://blog.hackorn.net

Un peu magique, un peu trash, un peu tout, surtout rien.

Leave a Reply