#MercrediFiction #3.12

Ils savaient tous les trois qu’on ne peut pas organiser une révolution avec si peu de gens. Enzo pense savoir comment prendre la température. Il y a un concert vendredi soir… Il suffit d’essayer. Il demande à Emma son avis. Elle est pour, évidemment, mais… comment ?

Lorsqu’Enzo annonce que c’est à Emma de monter sur scène, Jules et Emma éclatent de rire. Enzo ne comprend pas.

– Tu vois vraiment Emma monter sur scène ? Devant je ne sais pas combien de personnes ?
– Il ne seront pas vraiment nombreux, au maximum ils peuvent peut-être être 5 ou 6 000.

Emma rigolait de plus belle.

– Oh bah oui, je vais prendre la parole devant 6 000 personnes tiens ! Bon courage pour votre révolution, moi j’vais pisser !

Emma quitta la pièce pour se rendre aux toilettes. Jules reprend…

– Bon je me charge d’elle… toi tu t’arranges pour la faire monter sur scène vers 22h. Pas avant surtout. D’accord ?
– Sì fratello !

Emma revient.

– Ça y est ? Vous êtes prêts à conquérir le monde Minus et Cortex ?
– Oui Piccolina, oui.

Ils finissent le dimanche à refaire le monde en buvant et grignotant.

– Jules, tu dors ici ?
– Où ?
– Je crois qu’une des filles a un matelas de rab sous son lit, on va le prendre.
– À trois dans une chambre ?
– On a l’appart à nous là… on pourra s’occuper du reste plus tard non ? Et puis comme ça c’est plus facile pour faire la révolution ?
– Ok, mais la semaine prochaine je trouve un truc et éventuellement on fait une collocation ?
– Ouep… tu comptes rester ici ?
– Quelques mois, c’est bien tombé, mon entreprise m’a envoyé chez un client à Copertino, c’est pas très loin.
– Tu as fait exprès ?
– J’avoue.

Sur ces paroles, Emma file chercher le matelas perdu sous le lit de la grande Sophie, trouve des draps et les garçons font le lit. Le matelas était assez large, tellement qu’ils se sont endormis tous les trois dedans. Emma était bien, elle se souvenait des soirées lorsqu’elle était petite où Jules et elle, après avoir fait un barbeucue dans le jardin du papa de Jules, se couchaient sur un vieux matelas, dans une tente. C’était l’époque où elle arrivait encore à être heureuse. L’époque où rien n’était encore arrivé. Jules le savait… Il ne disait rien, mais il savait pourquoi elle s’était allongée là. Enzo se doutait de quelque chose… un peu de jalousie peut-être, mais il savait qu’ils étaieànt comme frère et soeur.

Lundi matin est difficile pour tout le monde. Emma se réveille la première.

– Et merde.
– Oui, à la bourre comme d’hab.

Elle ne savait pas se réveiller à l’heure. Elle tente de se dégager des bras d’Enzo, des jambes de Jules et du reste de Mallow qui a pris plaisir à lui baver dessus.
Emma n’était pas stressée ce matin, elle savait qu’elle partirait avec Enzo au cybercafé.

Ils déjeunent tous ensemble vite fait, passent à la douche chacun leur tour. Emma laisse un jeu de clés à Jules, au cas où. Et chacun part de son côté. Enzo et Emma (et bien sûr Mallow) filent vers le cybercafé, Jules, quant à lui, va retrouver un collègue qui doit venir le prendre.

Aucune surprise sur le travail à faire, Emma s’installe dans l’arrière boutique avec Enzo, pendant que Ernesto est au comptoir client.

Les jours passent et se ressemblent. Emma prend ses marques. Jules trouve un appartement. Trois chambres, idéal pour une collocation à trois. le prix reste raisonnable, 200€ par tête. Et s’il part ils pourront inviter des gens à dormir. L’appartement se situe dans la rue du cybercafé. Idéale pour Emma donc.

Ils déménagent tous jeudi, chacun sa chambre. Emma installe Mallow qui est déjà caché sous le lit. Elle défait enfin sa valise et sort sa console portable. Enzo sourit et lui montre la sienne. Jules fait de même.

– Et bien au moins on sait ce qu’on fait ce soir !
– Faut du réseau fratello…
– Pas un souci ça… j’vais vous montrer les noobz

Emma sort son téléphone, active le partage de connexion et donne à ces messieurs le mot de passe de son wifi.

– Et voilà… je le coupe si je perds.

Ils passent la soirée à pester, rire et jouer. Elle avait oublié que parfois, ça fait aussi du bien de penser à autre chose.

Et arrive le jour tant attendu. Samedi. Emma ne savait pas qu’Enzo et Jules avaient comploté contre elle. Elle ne savait pas ce qui l’attendait. Et elle ne se doutait de rien.
Ils arrivent tous les trois sur la Piazza Sant’Oronzo où une scène gigantesque est dressée pour l’occasion. Emma bave devant la basse du groupe. Elle ne sait pas que c’est Enzo qui en joue ce soir avec son groupe. Il embrasse tendrement Emma et monte sur scène alors que Jules remplit la main droite d’Emma avec un verre en plastique de bière. La foule n’est pas encore là, ils y ont été plus tôt exprès.
Elle entend la basse résonner. Elle se retourne et voit Enzo sur scène. Elle regarde Jules.

– Bordel à cul de bite en bois, tu savais ?!
– Non ça non, je pensais qu’il parlait entre les groupes juste.

La musique commence à retentir. Le monde commence à s’entasser sur la place. Emma enchaine les verres que Jules lui donne.
Sonne 22h. Enzo passe du côté du micro.

Comme beaucoup l’ont remarqué, une petite nouvelle est venue à Lecce, adoptée par beaucoup déjà. Et si Emma venait nous dire quelques mots ?

La foule commence à scander son prénom rythmé par les claquements de mains. Emma se sent rougir, mais se sent piégée. L’alcool aidant, elle se dirige lentement vers la scène, Enzo la fait monter.

Elle regarde la foule. Ne sait pas quoi dire. Enzo joue quelques notes pour la décontracter. Et elle commence. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle commence.

Una mattina mi son’ svegliata, o bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao, ciao
Una mattina mi son’ svegliata, e ho trovato l’invasor.

Enzo ne comprend pas mais commence à suivre et demande d’un signe de tête à son groupe de suivre.

Emma continue, la voix tremblante…

O partigiano, portami via, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
O partigiano, portami via, che mi sento di morir.

La foule commence à chanter avec elle. Nerveuse mais soulagée, elle continue…

E se io muoio da partigiano, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E se io muoio da partigiano, tu mi devi seppellir.
Mi seppellirai lassù in montagna, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Mi seppellirai lassù in montagna sotto l’ombra d’un bel fior.
E la gente che passerà, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E la gente che passerà,  mi dirà “o che bel fior! »
E questo è il fiore del partigiano, o bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E questo è il fiore del partigiano, morto per la liberta

Elle finit…

E questo è il fiore del partigiano…

S’arrête, regarde la foule qui termine

Morto per la liberta !

Elle se tourne vers Enzo qui lui sourit. Se retourne vers la foule.

Il faut parfois se battre pour avoir ce que l’on désire. Cette chanson nous le rappelle chaque jour. Comme elle l’a rappelé à ma famille. À vos familles. N’oublions pas d’où nous vennons. N’oublions pas ou nous allons. Ensemble… Merci.

Elle quitte la scène sous les applaudissements de la foule. Jules la récupère, lui tend un seau qu’il avait préparé. Elle vomit. Il rit. Elle aussi.

Il savait très bien qu’elle ne se découragerait pas. Elle a réussi à aller au bout de sa pensée. Bon après c’est sûr qu’elle n’était pas guérie de son anxiété sociale comme ça… Mais c’est déjà un premier pas.

– Je suis fier de toi.
– Ça va ta gueule.

Ils se mettent à rire en écoutant les dernières chansons d’Enzo… Emma espérait que ça allait servir. Et qu’elle allait vite pouvoir rentrer se laver les dents et virer cette haleine de gerbe qu’elle avait encore dans la bouche malgré le rinçage à la bière.

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hackorn
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Un peu magique, un peu trash, un peu tout, surtout rien.

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