Elle n’était rien, elle était tout…
Il y a des personnes que l’on croise qui ne laisseront jamais une trace dans nos vies. D’autres, en revanche, y laisseront un souvenir mélodieux jusqu’à la fin.
Ma grand-mère que j’aime bien fait partie de cette seconde catégorie.
Elle n’avait rien, mais elle donnait tout.
Elle me gardait quand j’étais petite, elle me faisait des oeufs au plat bizarres, dans une padèle, où le jaune était blanchit, elle avait ces bonbons énormes et très durs et ces pâtes de fruits bien trop sucrées pour moi. Elle faisait des gnocchis à la sauce tomate le dimanche, ou des pâtes à la main, comme beaucoup d’italiennes le faisaient.
Elle avait des Lego Duplo, mais on n’en faisait rien… Et puis il y avait des heures passées à jouer au Scrabble, où on inventait des mots pour que ça rentre tout juste. Elle soufflait sur mes bobos quand j’avais mal à la chpille en me tenant le genou… Elle me faisait répéter 10 000 fois le mot violon pour que j’arrête de dire vigolon, elle me tirait les oreilles quand je faisais trop de bêtises, et elle rigolait à d’autres conneries, comme lorsque j’ai mis mes doigts dans le nez du chien parce qu’il coulait (c’est la seule fois où on a entendu grognougnouter ce chien d’ailleurs). Elle hurlait si on mettait le pain à l’envers sur la table parce que les sorcières dansent dessus !.
Puis j’ai grandi… Et je suis partie, peut être un peu trop tôt, peut être un peu trop vite… Et je suis revenue… Et j’allais la voir aussi souvent que je le pouvais (en général un week-end sur deux grand maximum).
Elle n’avait rien mais elle donnait tout…
Sa vie n’a jamais été un long fleuve tranquille… Elle me racontait que petite, elle entendait les allemands dans la rue. Que petite ils manquaient de tout, ils n’avaient rien. Et elle a grandit, elle s’est mariée et a eu ses enfants… Elle a perdu mon grand-père alors qu’elle était encore jeune mais n’a jamais refait sa vie… Sa vie elle l’a consacrée à ses enfants et plus tard à ses petits enfants…
Elle n’avait rien mais elle donnait tout…
Lorsque j’ai enfin décroché mon master, je le lui ai annoncé. Sa réaction était la plus belle du monde ohhh mais je suis très fière de toi ma fifille ! Et elle a même sorti le gâteau du dimanche. Le gâteau du dimanche était réservé aux grandes occasions… Elle devait vraiment être fière de moi pour le sortir simplement pour un diplôme. On y allait pour souvent pour boire un café. Son café était de l’eau chaude teintée… c’est le seul café que je buvais avec un sucre, sinon il n’avait que le goût de l’eau chaude, mais on aimait parler autour d’un café chez elle.
Ma fifille c’est comme ça qu’elle m’appelait… Elle appelait ma sœur comme ça aussi.
Elle n’avait rien mais elle donnait tout…
Elle avait une pension misérable, elle était dans un logement de la mine, elle avait une demi pension quand mon grand-père est décédé de la maladie du charbon… Et elle a vécu simplement pendant toutes ces années… À entasser des conserves pendant les promotions au cas où ou si la guerre revenait. Elle avait toujours 5kg de farine d’avance parce que ça sert pour les pâtes et aussi pour les gâteaux. Elle faisait des gâteaux aux pommes comme seule une grand-mère sait les faire.
De toute sa vie, pourtant, elle n’a jamais utilisé un four ça ne sert à rien qu’elle disait… Elle faisait mijoter ses plats sur le poêle à fuel… Il faisait toujours trop chaud chez elle… Moi j’y étais bien, d’autres lui faisaient remarquer que c’était trop chaud pour eux… Mais moi je restais tout le temps à côté de ce poêle à fuel… où il faisait bien chaud.
Et puis il y a eu ce week-end… ce week-end, où je l’ai prise dans mes bras, où je n’ai pas arrêté de la regarder parce que je savais… Ne prévoyez rien ! qu’elle nous a dit… et hier, avant de partir, je lui ai fait un énorme câlin, plein de bisous, je lui ai encore dit dix fois au revoir… en lui disant j’essaie de passer mercredi… mais mercredi c’est trop tard… Comme un dernier au revoir, elle est partie ce jour si particulier, le jour de mon anniversaire.
Elle n’était peut-être rien pour toi, pour eux… mais pour moi elle était tout, pour nous elle était beaucoup. Elle est partie un peu trop tôt, un peu trop vite et elle ne reviendra pas, elle…
Repose en paix, et reviens nous voir de temps en temps, même si c’est pour nous engueuler parce que le pain est à l’envers sur la table.
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